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Esprit es-tu là ?
Esprit es-tu là ? hschlegel mer 15/10/2025 - 18:00 En savoir plus sur Esprit es-tu là ? « Il y a quelques jours, j’ai rencontré une voyante. Dans un bar, permettez-moi de le préciser d’emblée – je ne suis pas allé consulter les augures. [CTA1] ➤ Vous lisez actuellement la Lettre de la rédaction de Philosophie magazine. Pour la recevoir directement dans votre boîte mail, abonnez-vous ! Cette newsletter est quotidienne et gratuite. Appelons-la Pythie. C’est à l’occasion de l’anniversaire d’une amie que j’ai croisé sa route. Dans la foule attablée, je ne connais pas grand monde. Au bout d’un moment, je me retrouve finalement assis à côté d’elle. Ma timidité naturelle m’aurait plutôt incité à ne pas engager la conversation, mais j’ai déjà bu trois pintes. Nous commençons donc à échanger. Pythie ne tarde pas à me parler de ses séances de tarot. Heureux hasard, je sais moi-même tirer les cartes. Je n’y crois pas, mais je sais vaguement comment procéder – dextérité prophétique acquise à l’occasion d’une autre beuverie, lointaine, en compagnie d’une amie prénommée Cassandre (je n’invente pas). J’aurais certainement dû oublier depuis, si je n’avais eu l’occasion de pratiquer. Mais il se trouve que quelques connaissances ayant eu vent de mes talents, pourtant conscientes de mon scepticisme, réclament de temps à autre que je lise leur avenir. Imaginez la drôle de position qui est la mienne, celle de l’incroyant sommé de consulter l’avenir. Je m’exécute tout de même. Il y a un plaisir purement narratif à tisser, à partir de quelques symboles, un récit cohérent. C’est un exercice de style. Une occasion aussi, parfois, de glisser un message qui ne pourrait se dire trop ouvertement, de formuler quelques vérités inaudibles si elles n’étaient convoyées par la médiation des arcanes. Je confirme en tout cas qu’il n’est pas très difficile de faire des “prédictions” qui font sens pour un interlocuteur, même fraîchement rencontré, pour peu qu’on cerne son caractère. “On peut prédire à un joueur qu’il jouera, à un avare qu’il entassera, à un ambitieux qu’il briguera. Même sans sorcier nous nous jetons une espèce de sort à nous-mêmes, disant : ‘Je suis ainsi ; je n’y peux rien’”, relève Alain dans ses Propos sur le bonheur (1925). De même d’un dépendant affectif, d’un égocentrique patenté – de n’importe quel tempérament encroûté. Pardonnez-moi cette digression. J’en reviens à ma Pythie. Je dis voyante, mais je découvre en réalité, au fil de la discussion, tout le cortège de l’ésotérisme : la communication avec les morts, les vies antérieures, le magnétisme, etc. Mon interlocutrice, avertie de mes intérêts philosophiques, s’attendait je suppose à devoir se défendre des traditionnelles critiques contre la superstition. Mais je suis ivre et curieux. Dubitatif, certes, mais pas fermé. J’écoute. La discussion est intéressante. Pythie est avenante. Elle parle avec passion, et c’est cette passion, je crois, qui exerce sur moi une certaine fascination. Parce que je ne la comprends pas. Il me semble qu’en ces domaines infalsifiables, comme le dit Karl Popper, qui échappent par définition à toute procédure de validation, l’agnosticisme est la seule position raisonnable. Il n’y a aucune manière de prouver ce dont mon interlocutrice parle avec tant d’enthousiasme. Je ne lui demande d’ailleurs aucune justification, nous épargnant ainsi les vaines tentatives de rationalisation dans lesquelles s’enferrent souvent les adeptes de l’hermétisme. Sa conviction m’échappe radicalement. Sur quoi se fonde-t-elle ? Essentiellement sur des expériences dont elle me fait le récit. Une expérience n’est jamais une preuve ; il semble pourtant que certaines fournissent à d’aucuns un motif suffisant de croire. Je repense à Kant qui, détaillant les différentes formes du “tenir pour vrai”, en évoque une qui m’a toujours troublé : la croyance, qui “n’est que subjectivement suffisante”, “tenue en même temps pour objectivement insuffisante”. Cette catégorie, Kant la nomme “foi”. Je ne comprends pas, je le confesse, cette suffisance subjective d’une croyance. Je me garderai bien d’affirmer avec certitude, faute d’en avoir l’expérience, que quelque chose de cet ordre n’existe pas. Mais cette forme-là du tenir pour vrai n’a aucune réalité pour moi. Elle ne se rattache à aucune expérience. Si je devais trouver un point de comparaison, peut-être parlerais-je des convictions du genre : j’existe, je suis libre, je suis mortel, etc. J’aurais pourtant le plus grand mal à mettre les deux sur le même plan – des convictions qui, enracinées dans une condition partagée, d’emblée donnée, possèdent encore dans leur inobjectivité une prétention universelle, et d’autres qui puisent leur intensité dans des expériences particulières. N’y a-t-il pas, dans cet entêtement à croire, ancré dans le singulier, un secret orgueil – un désir de n’être pas “comme tout le monde” ? Je ne me permettrais pas de trancher. La discussion fut en tout cas stimulante. Pythie est quelqu’un de très sympathique. De ceci, j’ai au moins la conviction : on peut apprécier une personne sans vraiment la comprendre. » octobre 2025
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Peut-on encore être dans ses pensées ?
Peut-on encore être dans ses pensées ? hschlegel mer 15/10/2025 - 17:00 En savoir plus sur Peut-on encore être dans ses pensées ? Rivés à nos écrans, nous sommes en permanence assaillis d’informations. Comment, dans un tel contexte, retrouver la capacité à dialoguer avec soi ? Quelques pistes pour comprendre les menaces qui pèsent sur notre intériorité, et nous réapproprier un espace mental essentiel. [CTA2]   Le flux perpétuel d’informations dans lequel nous sommes plongés a engendré les concepts d’infobésité ou de fatigue informationnelle. À cela s’ajoutent un scrolling envahissant, une place prépondérante des réseaux sociaux qui captent notre attention, souvent malgré nous, et qu’on tient pour responsables d’une anxiété croissante chez les jeunes comme d’une détérioration de la concentration à tous les niveaux. Ces mutations récentes interrogent : peut-on encore « être dans ses pensées » aujourd’hui ? S’agit-il d’un luxe que la plupart d’entre nous a irrémédiablement perdu ?  Du contenu comme remplissage Tout commence par une expérience à la portée de chacun. À l’attente d’un bus, d’un métro ou d’un tramway, ne pas dégainer son téléphone : résister à l’appel des notifications et de leur dopamine sécrétée, et observer autour de soi. Il y a fort à parier que toutes les personnes présentes auront cette étrange posture, nuque cassée, front baissé, absorbées par l’écran que leur pouce fait défiler. Une fois à l’intérieur du bus ou du wagon, même constat : des individus qui semblent hypnotisés par leur téléphone, qui ne vous voient pas monter, qui ne regardent ni leur environnement ni leur voisin. On a beau le savoir, lorsque l’on renonce à prendre en main son téléphone un moment, il y a de quoi être décontenancé : dans quelle dystopie vivons-nous ? “On a beau savoir que tout le monde est sur son téléphone, partout, tout le temps, lorsqu’on renonce à le prendre en main un moment, il y a de quoi être décontenancé : dans quelle dystopie vivons-nous ?”   Arrêts de bus, files d’attente d’un magasin, d’un bureau de poste, quais de gare ou de métro, passages piétons : ces situations où nous sommes contraints de patienter sont désormais remplies de manière uniforme par du temps d’écran, de podcasts, de vidéos et tout un tas de contenus. Il en va de même dans les lieux de sociabilité ou d’intimité : restaurants, parcs, terrasses, salon ou chambre à coucher, là où nous pouvions errer mentalement, n’ayant rien à faire sinon réfléchir, engager la conversation ou lire un livre, nous sommes désormais habitués à être captés passivement. La discussion avec autrui, comme celle que nous entretenions avec nous-mêmes, a largement disparu. Or, être dans ses pensées revient précisément à entretenir un cheminement intime, autour de ce que l’on a vécu, de ce qui se passe présentement ou de ce qui adviendra. Happé par les smartphones, nous cessons alors de nourrir aussi bien notre dialogue intérieur que la créativité de nos idées. “Notre esprit est devenu un simple contenant dans lequel on verse des informations ou des anecdotes disparates”   Le terme de « contenu » qui définit tout ce qui est produit ou publié sur les réseaux sociaux (vidéos, textes ou photos) n’a rien d’anodin : notre esprit est devenu un simple contenant dans lequel on verse des informations ou des anecdotes disparates, sans hiérarchie ni cohérence, toutes proposées aléatoirement par un algorithme qui semble bien nous connaître. On passe ainsi d’une vidéo d’humour à un article de presse, d’un extrait de reportage aux photos de vacances d’un lointain collègue – et c’est parfois à se demander ce qui nous a poussés à débarquer sur « le profil » d’une personne, ne sachant même plus ce qu’on y fait ni mesurant le temps passé. L’errance qui égare… et celle qui éclaire Il y a bien une forme d’errance perverse dans cet usage permanent des réseaux sociaux et des applications, à l’opposé de l’errance souhaitable et nécessaire qui est celle de nos pensées. La première nous perd, la seconde nous offre un répit salutaire et nous éclaire. Contrairement à l’idée reçue, « se perdre dans ses pensées » est fructueux : c’est lorsque l’esprit est libre qu’il mémorise, opère un discernement, se projette ou établit des associations d’idées, des liens et des nouvelles pensées. Une inattention qui a presque disparu. Le remplissage des temps d’attente, ou de ceux jugés non productifs, constitue le premier frein à nos divagations mentales : les temps de flottement dont notre esprit s’emparait n’existent plus, ils ont été supplantés par des outils qui assurent un flot infini d’informations ou de distractions. Ainsi, la fonctionnalité de l’infinite scrolling (défilement infini) empêche toute satiété, conditionnant le cerveau à ingurgiter toujours plus… jusqu’au doomscrolling (défilement anxiogène), ce néologisme qui définit quant à lui un cercle vicieux poussant à enchaîner de manière obsessionnelle les informations négatives, façonnant une angoisse existentielle. “Nous avons développé une aversion pour les vides et remplissons désormais tous les silences, là où auparavant seule la latence existait”   Autant de pratiques qui s’emparent de notre cerveau, ne laissant pas de place à la réflexion et bien peu à la volonté. C’est peut-être par désir mimétique autant que pour nous donner une contenance (justement) que nous nous emparons aussi machinalement de notre téléphone : nous sommes agis plus qu’acteurs de notre comportement, et nous ne contrôlons plus ce à quoi nous pensons. Le remède serait alors de parvenir à lever les yeux sur ce qui nous entoure, ce qui exige un effort : ne rien prendre en main, appréhender une forme de béance, devient une rééducation à l’observation comme à la pensée. Réapprendre à ne rien faire, en somme.  “Ces heures de solitude et de méditation sont les seules de la journée où je sois pleinement moi et à moi” Jean-Jacques Rousseau   Dans ses Rêveries du promeneur solitaire (publiées à titre posthume en 1782), Rousseau explique comment la solitude est une condition pour se rapprocher de soi-même, et comment la contemplation permet d’expérimenter pleinement le sentiment d’exister : « Ces heures de solitude et de méditation sont les seules de la journée où je sois pleinement moi et à moi sans diversion, sans obstacle, et où je puisse véritablement dire être ce que la nature a voulu. »  Il ne s’agit donc pas de s’égarer mais de se réapproprier, et de coïncider avec soi-même. Aujourd’hui, si l’on est seul et sans activité, combien de temps est-on capables de se laisser aller à la rêverie ? L’instantané contre la décantation Mais la confiscation de nos pensées ne provient pas seulement des smartphones ou des réseaux sociaux. Le règne de l’instantané a lui aussi supplanté la latence à laquelle toute action était soumise, il y a dix ans encore. Les messages sont dictés, ou vocaux, les réponses sont attendues immédiatement, les confirmations de lecture nous indiquent « en temps réel » (le temps peut-il autrement ?) si notre destinataire a lu ou non notre message. Une étape supplémentaire a été franchie dans la communication instantanée, comme dans la recherche d’informations : l’intelligence artificielle répond en quelques secondes à toute question, reléguant les recherches en ligne à une certaine obsolescence. L’accélération est l’un des concepts majeurs du philosophe allemand Hartmut Rosa : au lieu de nous permettre de dégager du temps, tout ce qui accélère la société (les outils de communication, les transports, la logistique) contribue à une fuite en avant, de sorte que là où l’on traitait quelques courriers par jour, on traitera aujourd’hui une quarantaine de mails et des dizaines de messages. L’exemple du courrier est emblématique : le discours que l’on tient est bien différent entre un échange épistolaire manuscrit (très rare aujourd’hui), un mail et des messageries instantanées. Or, cette instantanéité protéiforme va à l’encontre de la réflexion, qui nécessite du temps, celui de l’infusion, de la décantation des idées : ce que l’on fait lorsqu’on se plonge dans ses pensées. “Tout ce qui accélère la société (les outils de communication, les transports, la logistique) contribue à une fuite en avant. L’instantanéité protéiforme va à l’encontre de la réflexion”   Le remède consisterait à désobéir à l’exigence de l’instantané et à redoubler de vigilance à l’égard de soi-même : ce n’est pas parce que je lis ce qu’on m’écrit que je dois répondre sur-le-champ. Prendre une journée ou deux de réflexion sur un problème – ou ne pas céder à l’attente supposée du destinataire – est coûteux, car nous jouons tous ce jeu de la disponibilité permanente. Mais nos pensées, elles, le sont de moins de moins. Savoir se rendre indisponible devient une hygiène de vie et une discipline à exercer. “Nulle part l’homme ne trouve de plus tranquille et de plus calme retraite que dans son âme” Marc Aurèle   Bien avant l’essor des notifications, l’empereur stoïcien Marc Aurèle conseillait de se couper des sollicitations extérieures pour se retrier en soi-même : « On se cherche des retraites à la campagne, sur les plages, dans les montagnes. Et toi-même, tu as coutume de désirer ardemment ces lieux d’isolement. Mais tout cela est de la plus vulgaire opinion, puisque tu peux, à l’heure que tu veux, te retirer en toi-même. Nulle part, en effet, l’homme ne trouve de plus tranquille et de plus calme retraite que dans son âme […] » (Pensées pour moi-même, Livre IV, 3).  Mais n’est-ce qu’une question de volonté ? Retrouver le silence Si nous peinons tant à cesser de scroller ou à résister à l’instantanéité, c’est aussi parce que les activités silencieuses, où l’on pouvait s’entendre penser, se sont réduites. C’est la troisième barrière à lever : celle du bruit, du son permanent. Qu’il soit podcast, radio, émission, entretien, information en continu, il envahit toutes les activités où la latence existait, accompagnée de notre seul dialogue intérieur. Dans nos trajets quotidiens, pendant les tâches ménagères… Tout comme nous avons développé une aversion pour le vide, nous avons rempli les silences. “Savoir se rendre indisponible – aussi pour les destinataires de nos messages – devient une hygiène de vie et une discipline à exercer”   Tout le malheur des hommes vient-il de ne plus pouvoir écouter ses propres pensées ? Derrière toutes ces paroles qui nous gagnent se trame aussi une injonction à la rentabilité : même les moments où les tâches sont les plus anodines, nous ne résistons souvent pas au réflexe de les agrémenter d’une émission de radio, d’un environnement musical, d’un discours qui nous atteint. Si tous ces outils offrent une ouverture immense sur la culture ou le monde, ils entraînent aussi la disparition des temps de silence. Un court reportage, rediffusé récemment sur les réseaux sociaux, a suscité un engouement éloquent : il montre Denise, 71 ans, laver ses draps au lavoir de sa commune, avec le sourire. « Quand on brosse le linge […] les idées noires, la colère, la rage, […] ça permet d’évacuer beaucoup de tensions qui s’accumulent », explique-t-elle. Être dans ses pensées ne signifie pas ressasser ou ruminer, mais au contraire trier, ordonner et ranger son esprit. Le remède pour préserver cet écrin mental et rendre nos pensées audibles à nous-mêmes est de réapprendre à écouter le bruit de nos gestes, celui du lieu où nous nous trouvons, sans écouteurs, sans casque ni médias audio – et à faire cesser, ne serait-ce que pour un instant seulement, la cacophonie ambiante.  octobre 2025
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🧸 Chaque mois, notre rubrique “Comme des grands” invite les enfants à répondre à une question posée par l’un d’eux. Puis l’animatrice et formatrice en philosophie avec les enfants Chiara Pastorini amorce la discussion… Le tout illustré par le trait enjoué d’Anaïs Vaugelade !

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La vie, “c’est musclé” ?
La vie, “c’est musclé” ? hschlegel mar 14/10/2025 - 18:00 En savoir plus sur La vie, “c’est musclé” ? « Peut-être avez-vous, comme moi, profité de la rentrée de septembre pour prendre quelques bonnes résolutions. J’ai pour ma part arrêté de boire du soda, repris des cours de russe, planté un cerisier dans mon jardin, fixé le thème de mon prochain livre. Mais une bonne action me résiste systématiquement : faire du sport. Me muscler m’apparaît toujours contre-nature.  [CTA1] ➤ Vous lisez actuellement la Lettre de la rédaction de Philosophie magazine. Pour la recevoir directement dans votre boîte mail, abonnez-vous ! Cette newsletter est quotidienne et gratuite. Je fais partie des gens qui sont fâchés avec le sport. Non pas que j’en tire une fierté, car je connais les bénéfices de l’activité physique. Il en va simplement ainsi. Je marche beaucoup – davantage que la moyenne – mais jamais à plus de 5km/h. Pour le reste, j’ai à peu près tout essayé : la course (ennui), le yoga (ennui mortel), l’escalade (trop cher), l’équitation de mon enfance (trop cher et trop loin). Des amis me conseillent d’“aller à la salle” pour travailler mon “cardio” ou me muscler un peu, mais l’idée même de m’y rendre me déprime. Les matières synthétiques, la lumière artificielle, les mouvements du corps déclenchés par la seule force de la volonté, tout ce cirque m’attriste. Je m’accommode volontiers de mes bras mollassons et préfère occuper mon temps à autre chose. Voire à rien du tout. Une chanson a failli me faire changer d’avis : Le Coach, de Soprano. Quand je l’ai découverte, il y a trois ans, elle m’a totalement grisée. Dans ce tube vu 350 millions de fois sur YouTube, les rappeurs Soprano et Vincenzo jouent les profs de salle de sport qui déploient des slogans mi-cassants mi-drôles pour motiver les athlètes amateurs : “Il est temps d’aller pousser, on a des rêves à soulever / Ta balance fait trop la gueule, il va falloir éliminer...” Le tout entrecoupé de “Alleeeeez, alleeeeez”, qui donnent envie de mettre un bandana fluo et se joindre à l’exercice. Si je l’ai beaucoup écoutée, et encore chantée à tue-tête cet été dans une voiture remplie d’enfants hilares, elle n’est jamais parvenue à me faire prendre une carte d’abonnement à la salle. En revanche, elle m’a amenée à reconsidérer le pouvoir symbolique du muscle. Faire du sport n’est pas qu’une question sanitaire ni esthétique. C’est une éthique de vie. Je ne parle pas ici des valeurs véhiculées par le sport : l’entraide, le dépassement de soi, la persévérance... Importantes, certes, mais pas propres à l’entraînement. En revanche, le champ lexical du Coach souligne que produire du muscle permet d’affronter mentalement l’existence. Écoutons le refrain : “Faut taffer le cardio pour mieux endurer / Faut taffer les abdos pour mieux encaisser / La vie c’est musclé.” Ailleurs, on nous dit qu’il faut “toujours se relever”, “recommencer”, “ne pas abandonner”. J’ai bien conscience que ce n’est pas du Proust, mais j’aime cette manière d’affirmer haut et fort, sans se cacher, que “la vie, c’est musclé”. C’est une épreuve, de vivre. C’est dur. En général, on n’y arrive pas. On fait ce qu’on peut, avec ses petits bras. Nos qualités morales dépendraient-elles de nos aptitudes physiques ? Rousseau ne dit pas autre chose. Si l’on imagine mal Jean-Jacques soulever de la fonte en survêt’ rose, le philosophe valorise grandement l’activité physique. “L’esprit a ses besoins, ainsi que le corps. Ceux-ci sont les fondements de la société, les autres en sont l’agrément” (Discours sur les sciences et les arts, 1751). Considérant que la vie en société a perverti notre nature profondément vaillante et libre, Rousseau loue “la force et la vigueur du corps” qui maintiennent, selon lui, un esprit “sain et robuste”. Retour à une force morale originelle dans l’état de nature, qui supposait de s’armer physiquement contre toutes sortes de dangers. Sa conclusion ne flatte pas les profils cérébraux : “L’étude des sciences est bien plus propre à amollir et efféminer les courages qu’à les affermir et les animer.” Soprano rejoint Rousseau. Puisque “la vie, c’est musclé”, autant produire littéralement du muscle pour en affronter les vicissitudes. En effet, je ne suis pas sûre de vouloir être capable, à l’avance, d’“encaisser” les épreuves de la vie. Est-on encore vraiment ouvert à l’altérité si, par définition, on s’équipe à l’excès pour ne plus être mis en difficulté par rien ? Oui, sans doute y a-t-il un risque à s’exposer ainsi à tout ce que la vie peut offrir – de bon comme de mauvais. Mais aux préparatifs bien étudiés, on peut aussi préférer une autre méthode : la débrouille. » octobre 2025
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Ziad Majed : “Le plan Trump entend dépolitiser le conflit israélo-palestinien” www.philomag.com/articles/zia...
Ziad Majed : “Le plan Trump entend dépolitiser le conflit israélo-palestinien”
Ziad Majed : “Le plan Trump entend dépolitiser le conflit israélo-palestinien” hschlegel mar 14/10/2025 - 17:00 En savoir plus sur Ziad Majed : “Le plan Trump entend dépolitiser le conflit israélo-palestinien” Tandis que des otages ont été échangés contre des prisonniers et que l’aide humanitaire est revenue à Gaza, le futur des institutions politiques de la Palestine est plus flou que jamais. Explications avec le politologue Ziad Majed, auteur de Proche-Orient, miroir du monde. Comprendre le basculement en cours (La Découverte, 2025). [CTA2]   Que pensez-vous du déploiement du plan Trump ? Ziad Majed : La machine de mort semble s’être arrêtée. Le cessez-le-feu s’est imposé et des centaines de milliers de Palestiniens marchent en direction du nord vers la ville ravagée de Gaza. Les otages israéliens sont en train d’être libérés et échangés contre des détenus palestiniens. Les camions de l’aide humanitaire doivent bientôt entrer dans l’enclave, notamment pour fournir nourriture, médicaments et vaccins, mais aussi nettoyer, remettre quelques routes en fonction, rétablir des réseaux d’eau en attendant l’électricité qui va prendre bien plus de temps. Cependant, si la guerre qualifiée par les organisations internationales de génocidaire prend fin, beaucoup de questions restent en suspens. Qui va administrer Gaza ? Il est question aujourd’hui de mettre le territoire sous une tutelle étrangère supervisée par Tony Blair, une figure issue de l’histoire coloniale et mandataire britannique en Palestine associée à la guerre en Irak comme au mépris du droit international. Mais quelle élite politique palestinienne sera associée à la transition politique ? Ensuite, on ne sait toujours pas quand l’armée israélienne va se retirer, ni si le gouvernement de Netanyahou va finalement abandonner sa volonté de modifier radicalement la démographie de Gaza en faisant partir les habitants de gré ou de force. Le futur de l’occupation de la Cisjordanie n’est pas clair non plus. Comme si la gestion de Gaza devenait une affaire logistique sans perspective politique en relation avec le reste des territoires occupés.   Y a-t-il déjà eu autant d’incertitudes quant au futur des institutions politiques palestiniennes ? Depuis la mort de Yasser Arafat, Israël a tout fait pour empêcher l’émergence d’une nouvelle élite politique palestinienne, soit par l’assassinat, soit par l’arrestation de leaders qui auraient pu jouer un rôle important dans une transition, comme Marwan Barghouti. Cela leur a servi de prétexte pour répéter qu’il n’y avait pas de partenaires crédibles pour construire la paix. Ensuite, la division territoriale et politique entre le Hamas et le Fatah de Mahmoud Abbas, c’est-à-dire entre Gaza et la Cisjordanie, a été entretenue et a rendu impossible l’existence même d’un corps politique commun pour administrer les territoires palestiniens, qui demeurent, selon le droit international, « illégalement occupés par Israël ». “Ce qui se dessine pour l’instant est un avenir sans cap politique […], avec un territoire de Gaza dévasté où l’on va faire de la gestion sécuritaire, alimentaire, humanitaire, économique” Ziad Majed   Pourquoi le plan Trump marginalise-t-il autant cette question du futur de l’administration politique de la Palestine ? Ce plan est piloté par des personnes qui ont une culture des affaires. Ils connaissent plus le monde de l’immobilier que celui des institutions politiques. C’est le cas de Steve Witkoff, envoyé spécial des États-Unis au Moyen-Orient, ou de Jared Kushner, l’un des architectes du plan Trump qui est aussi impliqué dans des projets de constructions au sein des colonies israéliennes en Cisjordanie. Pour eux, ce sont les affaires et les investissements qui permettront de traverser les turbulences politiques à Gaza. Et quand vous avez plus de 80% des habitations qui sont détruites ou endommagées, ils ont des arguments pour affirmer que la reconstruction politique est secondaire. Évidemment, derrière la question institutionnelle, il y a les négociations politiques, la reconnaissance de l’État palestinien, les questions du droit international et de l’impunité, des mandats d’arrêt émis par la Cour pénale internationale, autant de causes qu’Israël et les États-Unis veulent occulter de leurs agendas. Se dessine donc un avenir sans cap politique, avec une Cisjordanie morcelée et colonisée, administrée en partie par une Autorité marginalisée et vieillissante. Et puis Gaza, un territoire dévasté où l’on va faire de la gestion sécuritaire, alimentaire, humanitaire, économique…   Cette volonté de dépolitiser les enjeux du conflit israélo-palestinien est-elle nouvelle ? Elle marque profondément cette phase du conflit qui s’est ouverte le 7 octobre 2023. Depuis lors, tenter de contextualiser les événements – et notamment le 7-Octobre lui-même – a été perçu, surtout en Europe et aux États-Unis, comme une façon de justifier les attaques du Hamas. Il y a eu un changement dans la terminologie du conflit. Pendant deux années, nous avions la crise humanitaire d’un côté et les otages de l’autre, sans qu’il ne soit jamais possible de revenir au cœur politique du sujet, à savoir : le droit à l’autodétermination du peuple palestinien, aux questions de la colonisation – voire de l’annexion – de la Cisjordanie comme au blocus depuis 2007 de la bande de Gaza. Trump et son administration ne parlent plus de résolutions onusiennes, de droit international ou des Conventions de Genève. Tout se passe comme s’ils voulaient que ce conflit se déjudiciarise.   Beaucoup de pays, de l’Arabie Saoudite à l’Europe, ont tenté de remettre la politique au milieu en reconnaissant la Palestine. Est-ce insuffisant ? Les rapports de force dans les relations internationales sont tels que Donald Trump impose pour le moment sa logique. Mais peut-être que les Européens, aidés par certains États arabes de la région, vont finir par peser dans les prochains mois. Enfin, il faut aussi prendre en compte que Trump reste très imprévisible. Il s’est montré pro-colonisation en ce qui concerne la Cisjordanie et l’ambassadeur des États-Unis en Israël a même dit qu’il comprenait l’annexion d’une partie de ce territoire palestinien occupé. Or, Trump a dit fin septembre qu’il n’y aurait plus d’annexion…  “Le plan Trump est piloté par des personnes qui ont une culture des affaires. Ils connaissent plus le monde de l’immobilier que celui des institutions politiques” Ziad Majed   Vous dites que le 7-Octobre a ouvert plus largement un nouveau moment dans l’histoire du Proche-Orient. Pourquoi ? Tout s’est accéléré depuis fin 2023 : le rôle de l’Iran recule sans qu’on sache si Téhéran va tenter de le reconstruire ou si Netanyahou va prolonger sa guerre. Le régime Assad s’est effondré en Syrie mais la transition pose beaucoup de défis. D’un côté, il y a de fortes tensions sectaires avec les Kurdes, les Druzes ou les Alaouites. De l’autre, Israël y occupe désormais des positions et mène des frappes régulières. Tout comme au Liban qui est très fragilisé économiquement et politiquement. Le Hezbollah a perdu une partie de son influence mais garde le soutien d’une grande partie des Chiites. Est-ce que ce pays retrouvera son influence ? Quid de l’Irak ? Nous sommes dans un moment d’indétermination dans l’histoire contemporaine du Proche-Orient et de son rapport à un monde où reculent les valeurs universelles : il y a peu de projets politiques, que ce soit du côté des pouvoirs installés ou du côté des oppositions comme des dissidents. Et, dans cette grande indétermination, la seule certitude est qu’une partie des populations est condamnée à vivre dans des zones urbicidées. Pendant des décennies, des millions de personnes vont se réinstaller dans un environnement qui gardera la mémoire de la destruction et de la mort.   Le Proche-Orient, miroir du monde. Comprendre le basculement en cours, de Ziad Majed, vient de paraître aux Éditions La Découverte. 352 p., 18,50€, disponible ici. octobre 2025
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Comment s’ouvrir à l’autre, se risquer à aimer, s’engager dans l’action sans s’y abîmer ? Clotilde Leguil poursuit l’exploration de nos “laboratoires intimes” dans son nouvel essai : “La Déprise” (Seuil, 2025). Elle nous expose sa démarche, entre littérature, philosophie, cinéma et psychanalyse.
Clotilde Leguil : “J’ai voulu redonner de la valeur à l’événement amoureux”
Comment s’ouvrir à l’autre, se risquer à aimer, s’engager dans l’action sans s’y abîmer ? Clotilde Leguil prend ces questions à bras-le-corps. Elle poursuit l…
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De la colère froide des Français www.philomag.com/articles/de-...
De la colère froide des Français
De la colère froide des Français hschlegel lun 13/10/2025 - 17:47 En savoir plus sur De la colère froide des Français « Tout le week-end, j’ai cherché le mot qui conviendrait le mieux pour désigner l’affect qui s’est emparé de la société française, tous camps et toutes classes confondus, face à la crise politique en cours. [CTA1] ➤ Vous lisez actuellement la Lettre de la rédaction de Philosophie magazine. Pour la recevoir directement dans votre boîte mail, abonnez-vous ! Cette newsletter est quotidienne et gratuite. En admettant que la “colère froide” soit un bon candidat, la question est alors de savoir si, à l’instar des colères du passé, celle-ci va pouvoir être confiée à ce que le philosophe Peter Sloterdijk appelle une “banque de la colère”. De ma boulangère – “et en plus, c’est avec notre argent qu’ils se livrent à ce pitoyable et interminable jeu de chaises musicales” – à ma femme – “on n’accepterait de personne dans la vie normale de jouer ainsi avec les nerfs de ses semblables” –, c’est un étrange sentiment qui règne dans la société française depuis la séquence ouverte par la démission surprise de Sébastien Lecornu, il y a une semaine, et sa reconduction, hier, autour d’un gouvernement à l’assise encore plus étroite et en sursis face à deux nouvelles motions de censure. D’abord l’incrédulité : en un peu plus d’une année, voilà le troisième gouvernement qui s’effondre sur lui-même faute d’avoir trouvé le moyen de former des compromis au sein d’un Parlement sans majorité et sous la pression d’un président de la République enclin à considérer qu’il pouvait faire plier la réalité politique à sa volonté. Au-delà des querelles d’egos et d’ambitions, qui sont le lot normal de la vie politique, c’est le sentiment dominant que les politiques sont devenus incapables d’articuler leurs ambitions personnelles aux enjeux du pays et du moment. Même si Sébastien Lecornu se présente, en rupture avec ce climat, comme un “moine soldat” motivé par le seul sens du “devoir”… Dans une France sans budget, en proie à une dette colossale et à une polarisation idéologique et sociale sans précédent, les acteurs politiques apparaissent comme de purs arrivistes au service de leurs intérêts et de leurs calculs à la petite semaine. En regard de la gravité des crises, la politique prend l’aspect d’un petit cénacle à l’intérieur de la société, inapte à lui procurer cette distance et cette hauteur qui lui permettraient de se déchiffrer et de se décider. Or ce décrochage de la vie politique, initié par la dissolution de l’Assemblée nationale, n’a cessé de s’aggraver depuis un an et demi. D’où la colère qui s’est saisie du corps social. Comment la qualifier ? Dans la Rhétorique, Aristote définit la colère comme “le désir douloureux de se venger publiquement d’un mépris manifesté publiquement à notre endroit ou à l’égard des nôtres, ce mépris n’étant pas justifié”. Si les Français ont le sentiment que leur destin est négligé et méprisé par les politiques, leur colère se distingue cependant de la forme active et véhémente à laquelle pensait Aristote, pour qui l’expression publique du courroux était déjà une manière de compenser le dommage subi. Or ce qui monte aujourd’hui chez les Français ressemble bien plus à une colère silencieuse, collectivement partagée, mais rentrée. À la différence de la colère classique, vengeresse, la colère française s’associe au sentiment tout aussi prégnant d’une impuissance collective, comme si les citoyens étaient devenus otages de querelles sur lesquelles ils n’ont pas de prise alors qu’elles les empêchent de vivre. Loin d’être éloquente et agissante, c’est donc une colère froide, mélange d’exaspération et de lassitude, de nervosité et de fatigue, de consternation et de détachement. Plus retenue que la haine, elle allie l’indifférence au sens du ridicule… “Quelle bande de clowns !”, entend-on de plus en plus. Reste à savoir si cette colère froide et retenue peut subsister longtemps sans se réchauffer et passer à l’action. Dans Colère et Temps (Libella-Maren Sell, 2007), le philosophe allemand Peter Sloterdijk proposait de penser la politique en termes “thymotiques” – de thymos, désignant en grec le cœur, les passions et les émotions. Dans cette perspective, il invitait à considérer les partis révolutionnaires du XXe siècle comme des “banques mondiale de la colère” dont la fonction avait été de collecter, placer et valoriser les colères dispersées dans le corps social en les échangeant contre des promesses d’action collective future. “La base de leur commerce, écrivait-il, est la promesse faite à leurs clients de déverser un profit thymotique sous forme d’une hausse du respect de soi et d’une capacité élargie à faire face à l’avenir s’ils renoncent au défoulement instantané de leur colère.” Depuis longtemps – c’est sans doute sa principale ambition –, Marine Le Pen a cherché à transformer le front de la haine et de la vengeance, créé par son père avec le FN, en une banque de la colère susceptible de prendre le pouvoir. Et c’est tout le sens de son attitude dans la crise actuelle. Si elle dénonce “un spectacle affligeant, désespérant et pathétique”, elle table sur le renoncement “au défoulement instantané de la colère” afin d’engranger, le temps venu, le maximum de dividendes politiques de ce précieux capital. Reste qu’elle n’a pas encore fait la démonstration qu’elle était capable de donner aux “avoirs en colère” une traduction sous la forme d’une politique qui “assurerait la hausse du respect de soi et une capacité élargie à faire face à l’avenir”, selon le schéma proposé par Sloterdijk. Sans compter que son accession au pouvoir pourrait provoquer la révolte de la France qui ne se se reconnaîtrait sans doute pas dans cette expression-là de la colère… C’est peut-être tout l’enjeu “thymo-politique” des mois à venir : à quelle banque politique les Français vont-ils vouloir confier leur froide colère ? » octobre 2025
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Lors d’un défilé militaire organisé à Pékin début septembre, Xi Jinping et Vladimir Poutine ont exprimé leur espoir de vivre jusqu’à 150 ans, voire d’atteindre l’immortalité. Rêve de dictateurs ? Pas seulement… car les philosophies chinoise et russe sont obsédées par cette question.
Xi Jinping et Poutine pour les siècles des siècles : la chronique de Michel Eltchaninoff
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Dans notre nouveau numéro consacré à l’engagement, nous avons demandé à cinq penseurs ce qu’ils feraient si le RN arrivait au pouvoir en 2027. La philosophe Catherine Malabou prône, elle, une “désertion active” faite d’entraide citoyenne et associative… inspirée de la tradition anarchiste.
Catherine Malabou : “Face à l'extrême droite, il est possible d’élaborer une certaine plasticité insurrectionnelle dans les marges du pouvoir”
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“Nouvelle Vague” : le mythe de la jeunesse www.philomag.com/articles/nou...
“Nouvelle Vague” : le mythe de la jeunesse
“Nouvelle Vague” : le mythe de la jeunesse hschlegel ven 10/10/2025 - 17:42 En savoir plus sur “Nouvelle Vague” : le mythe de la jeunesse Nouvelle Vague, le dernier film de Richard Linklater à l’affiche en ce moment, ne trompe pas son monde avec un tel titre. Il y est bien question de Godard, Seberg, Belmondo… et de toute la bande, en retraçant la genèse d’une petite révolution au cinéma : le tournage d’À bout de souffle. Pour Ariane Nicolas, le cinéaste réussit à proposer une mise en scène joueuse et rythmée, qui évoque la patte Godard sans tomber dans le pastiche. [CTA1]   Ce texte est extrait de notre newsletter hebdomadaire « Par ici la sortie » : trois recommandations culturelles, éclairées au prisme de la philosophie, chaque vendredi soir. Abonnez-vous, elle est gratuite !   « Ah, la jeunesse ! La grande affaire de Richard Linklater. Le réalisateur de Dazed and Confused, de la trilogie des Before (Sunrise, Midnight, Sunset) et de Everybody Wants Some filme à nouveau une bande de jeunes avec Nouvelle Vague, présenté au dernier Festival de Cannes. Et pas n’importe quelle bande : celle qui a tourné À bout de souffle, le premier long-métrage de Jean-Luc Godard (incarné ici par le remarquable Guillaume Marbeck). En 1959, Godard n’a que 28 ans mais se sent déjà vieux : “C’est trop tard”, se lamente-t-il devant la troupe des Cahiers du cinéma. Ses acolytes Truffaut, Rohmer ou Chabrol ont déjà sorti leurs premières œuvres. Lui, plus exigeant et crâne, attend son moment. Gauguin, qu’il cite, disait : “L’art, c’est soit du plagiat, soit la révolution.” Godard trouve un producteur, pique une idée dans le Nouveau Détective et fait enfin sa révolution. Vingt jours de tournage avec Jean Seberg et Jean-Paul Belmondo, pas de scénario ni de prise de son directe, des acteurs déboussolés par un cinéaste parlant en aphorismes et qui fait ce qu’il veut. L’improvisation, seule méthode pour “saisir la réalité au hasard” ? Godard, qui filme un voleur en cavale, est lui-même un petit filou. S’il prétend rechercher la “spontanéité” et “l’inattendu”, son film fonce en sens inverse : les dialogues ont l’air artificiels, le son est rajouté en post-production, le montage est saccadé. Il veut incarner un nouveau présent mais vise surtout “l’immortalité”... Le titre choisi témoigne de ces paradoxes : jeune, son personnage est déjà à bout de souffle ! “Prouvons que le génie n’est pas un don mais l’issue qu’on invente dans les cas désespérés”, disait Sartre – cité aussi. Dans Nouvelle Vague, la jeunesse apparaît pour ce qu’elle est : un mythe élaboré en temps réel. Toute jeunesse s’invente et se déploie en fonction du mythe qu’elle entend (plus ou moins consciemment) devenir. Comme tout mythe, montre Linklater, la jeunesse est un mensonge. Mais un mensonge qui dit vrai. »   Nouvelle Vague, de Richard Linklater, avec Guillaume Marbeck, Zoey Deutch et Aubry Dullin. En salles. octobre 2025
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María Corina Machado : prix néolibérale de la paix www.philomag.com/articles/mar...
María Corina Machado : prix néolibérale de la paix
María Corina Machado : prix néolibérale de la paix hschlegel ven 10/10/2025 - 15:22 En savoir plus sur María Corina Machado : prix néolibérale de la paix Trump espérait le recevoir, mais c’est finalement la Vénézuélienne María Corina Machado qui s’est vu décerner le prestigieux prix Nobel de la paix pour son combat « en faveur d’une transition juste et pacifique de la dictature à la démocratie ». Portrait d’une dissidente qui bouscule les repères de la politique… et du Nobel.  [CTA2]   Selon le président du comité Nobel norvégien Jørgen Watne Frydnes, « María Corina Machado est l’un des exemples les plus extraordinaires de courage civique en Amérique latine ces derniers temps ». Née en 1967, fille d’un riche homme d’affaires à la tête d’une grande compagnie d’électricité et d’entreprises sidérurgiques, María Corina Machado est devenue, au fil des années, une oppposante acharnée au régime de Nicolás Maduro. Elle « a été une figure clé de l’unité au sein d’une opposition politique autrefois profondément divisée » ; en octobre 2023, elle remportait la primaire de l’opposition en vue de l’élection présidentielle, avant que sa candidature ne soit interdite. Dès lors, « Madame Machado a été contrainte de vivre dans la clandestinité. Malgré les graves menaces qui pèsent sur sa vie, elle est restée dans son pays, un choix qui a inspiré des millions de personnes ». L’héritage ambigu de Bolivar Elle est depuis surnommée la libertadora (« libératrice »), en référence au libertador Simón Bolívar, le père de l’indépendance des nations sud-américaines. Si l’héritage de ce dernier est également revendiqué par le camp adverse, qui voit en lui un symbole de la lutte contre l’impérialisme étranger, les convictions politiques de Bolívar se rapprochent davantage de celles de Machado que des politiques socialistes de Maduro et de son prédécesseur Hugo Chavez. Influencé par la philosophie des Lumière, BolÍvar était un partisan du libéralisme, critique du dirigisme économique. S’il fut tout particulièrement lecteur de Rousseau - parfois considéré comme une précurseur du socialisme -, il en retint surtout le « pouvoir des lois, plus puissant que celui du tyran, parce que plus inflexible », mais il se défiera des idées de participation directe du peuple au pouvoir politique. Du point de vue de Machado, le régime de Maduro emprunte à Bolívar ce qu’il y a de plus contestable et en rejette ce qu’il y a de meilleur : alors qu’il se présente comme un démocrate, Maduro n’a aucun respect pour la souveraineté populaire ; à la force de la loi, son régime autoritaire et policier a substitué le règne de l’arbitraire. Une opposante néolibérale À ce régime défaillant, qu’elle accuse d’avoir ruiné le pays, María Corina Machado oppose une « philosophie [qui] met l’accent sur la séparation des pouvoirs, l’indépendance de la justice la presse libre et la protection des libertés civiles », écrit Alex Pierceman dans Maria Corina Machado and The Struggle for Democracy in Venezuela (« María Corina Machado et le combat pour la démocratie au Vénézuela »). Présentée comme une défenseur de la démocratie et de l’État de droit – elle avait déjà été récompensée du prix des droits de l’homme Václav-Havel en 2024 en tant que porte-voix des « aspirations claires du peuple vénézuélien à des élections libres et équitables, au respect des droits civils et politiques et à l’État de droit » –, Machado est avant tout une libérale ou, selon certains observateurs, une néolibérale. On ne s’en étonnera pas : l’Amérique du Sud a été l’un des premiers espaces d’expérimentation du néolibéralisme, sous la houlette des Chicago Boys. La philosophie de Machado « est enracinée dans les principes du capitalisme de libre marché, qu’elle considère comme le moyen le plus efficace de restaurer l’économie ébranlée du Vénézuela et d’améliorer la qualifie de vie de ses citoyens », résume Alex Pierceman. « Sa philosophie est fondée sur la croyance que les marchés, quand on leur permet de fonctionner librement, sont le mécanisme le plus efficace pour l’allocation des ressources et la génération de richesses. » Admiratrice de Javier Milei… et proche de partis d’extrême droite Plus qu’à Bolívar, c’est à l’ultra-libérale Margaret Thatcher, la « dame de fer » britannique, Première ministre de 1979 à 1990, qu’on la compare le plus souvent. Machado lui rendait hommage dans un tweet de 2013 : « Margaret Thatcher a eu le courage de défendre ses valeurs toute sa vie contre tous ceux qui s’opposaient à elle. » Elle ne cache pas son affection pour les autres grandes figures du néolibéralisme : la philosophe Ayn Rand et les économistes Ludwig von Mises et Milton Friedman. Dans un post hommage de 2019, elle écrivait : « Aujourd’hui, nous nous souvenons du lauréat du prix Nobel d’économie Milton Friedman à l’occasion de son 107e anniversaire, pour sa grande contribution à la liberté économique et à ses idées qui fonctionnent ! Il suffit de regarder ce qu’elles ont accompli au Royaume-Uni, au Chili et aux États-Unis, en créant de la richesse au bénéfice de la société dans son ensemble. » Autant de figures partageant à différents degrés un rejet de l’interventionnisme étatique et la promotion d’une liberté économique qui, si elle trouve à se coupler à la défense de la liberté politique dans certains contextes autoritaires dirigistes, finit souvent par buter à l’exigence démocratique. La poursuite des intérêts particuliers, dans son individualisme, se heurte aux contraintes de l’intérêt collectif. Le droit, garantie de la libre entreprise soustraite à l’emprise de l’État, peut vite devenir un « problème » dès lors que la loi, enracinée dans la souveraineté populaire, entend réguler, réglementer. Parmi ses contemporains, María Corina Machado a également salué la victoire de Javier Milei, et en août dernier, a remercié le président libertarien d’Argentine pour son « ferme soutien » pour « la liberté et la démocratie ». Que les deux trouvent à s’entendre face à un ennemi commun – le « régime narco-terroriste » de Maduro – ne fait évidemment pas de Machado une libertarienne sans concession. Mais sa philosophie s’inscrit, assurément, dans cette constellation de pensées plus ou moins radicales qui défendent d’abord, au nom de la liberté et de la démocratie, une libéralisation de l’économie. Comme Milei, Machado soutient le parti Vox, qui entend fédérer les droites radicales d’Espagne et d’Amérique latine – elle a été, en 2020, signataire de la charte de Madrid initiée par la formation politique. Bref, si Trump n’a pas remporté le Nobel de la paix, le prix a échu à une femme politique qui partage à certains égards sa vision du monde. octobre 2025
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“Keep calm and carry cash” : pourquoi faut-il toujours avoir 70€ en liquide à portée de main ? www.philomag.com/articles/kee...
“Keep calm and carry cash” : pourquoi faut-il toujours avoir 70€ en liquide à portée de main ?
“Keep calm and carry cash” : pourquoi faut-il toujours avoir 70€ en liquide à portée de main ? hschlegel ven 10/10/2025 - 12:00 En savoir plus sur “Keep calm and carry cash” : pourquoi faut-il toujours avoir 70€ en liquide à portée de main ? Dans sa dernière note, la Banque centrale européenne recommande à tous les citoyens européens d’avoir toujours chez eux 70 euros en espèces, de sorte à pouvoir faire face à une crise imprévue. À suivre La Philosophie de l’argent de Georg Simmel, ce conseil témoigne d’un recul de la confiance dans l’État. [CTA2]   « Keep calm and carry cash » (« Restez calme et conservez du liquide sur vous ») : un titre aux allures de western pour la dernière note de la Banque centrale européenne (BCE), publiée le 23 septembre 2025. Le texte incite les ménages à mettre de côté suffisamment d’argent liquide pour couvrir leurs besoins élémentaires pendant 48 à 72 heures en cas de force majeure, soit entre 70 et 100 €. Francesca Faella et Alejandro Zamora-Pérez, les deux économistes derrière ce rapport, tirent des leçons de quatre crises majeures qui ont émaillé le XXIe siècle en Europe : la crise grecque de 2015, la pandémie en 2020, la guerre en Ukraine en 2022 et le blackout qui a privé une partie de l’Espagne d’électricité en avril dernier. À chaque fois, le recours systématique et massif aux liquidités s’est avéré un levier individuel pour faire face à l’incertitude, ainsi qu’un formidable tampon pour ménager les échanges à l’échelle locale. Ils vont jusqu’à parler de l’argent en espèces comme d’une « roue de secours monétaire » : inutile dans la plupart des cas, mais essentielle en cas de choc systémique – cyberattaque, panne, crise bancaire. Bizarre, quand on sait que le refuge dans le cash est généralement un symptôme de défiance envers les institutions. Du métal précieux au bout de papier : une question de confiance Le philosophe allemand Georg Simmel (1858-1918) montre dans sa Philosophie de l’argent (1900) que le passage de l’argent-substance à l’argent-signe n’a pu s’effectuer que lorsque s’était établi un certain lien de confiance naturelle entre l’individu et la société. Lorsque l’État central n’était pas constitué et qu’aucune autorité ne garantissait la stabilité de la monnaie, les fonctions monétaires étaient remplies par un support qui avait en soi de la valeur (par exemple, de l’or ou un métal précieux). Cela limitait la création monétaire, tout en étant un gage de stabilité. Si les institutions étatiques font leur travail, nul besoin de se réfugier dans la matérialité – on peut se contenter de passer à la caisse les yeux fermés, puisque l’État garantit silencieusement tous mes achats. Pour Simmel, cette oscillation de l’abstraction vers la matière est significative : « L’argent ne devient véritablement tel que dans la mesure où la substance recule ». Autrement dit, la valeur monétaire s’établit quand l’attachement à la substance (le métal, la matérialité) s’efface ; mais revenir à insister sur la substance (au cash) révèle-il un retour de la défiance face à l’abstraction du crédit et aux promesses sociales de stabilité ? Pas de conclusion hâtive ! Que la BCE conseille aux citoyens de stocker quelques espèces revient donc à réintroduire discrètement de la matérialité, là où la confiance devait suffire. Pas sûr, cependant, que la BCE ait préparé un scénario de fin du monde. Elle s’est d’ailleurs engagée depuis quelques années à développer un euro numérique, qui assurerait la transition vers l’ère digitale tout en préservant la souveraineté stratégique de l’Europe. La prudence monétaire est ici une stratégie de robustesse low tech plutôt qu’un coup de tonnerre alarmant. octobre 2025
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László Krasznahorkai, un Nobel qui met l’apocalypse en question
László Krasznahorkai, un Nobel qui met l’apocalypse en question hschlegel ven 10/10/2025 - 10:14 En savoir plus sur László Krasznahorkai, un Nobel qui met l’apocalypse en question László Krasznahorkai a été couronné par l’académie Nobel le 9 octobre 2025, à 71 ans, pour son « son œuvre fascinante et visionnaire qui, au milieu de la terreur apocalyptique, réaffirme le pouvoir de l’art ». Philippe Garnier nous introduit à l’œuvre de cet écrivain hongrois qui, dans la veine de Kafka et de Thomas Bernhardt, se saisit des menaces en mode interrogatif.  [CTA2]   Qu’est-ce qu’une apocalypse ? Dans la langue courante, il s’agit d’une fin du monde violente, mais ce mot, dans son sens littéral, signifie aussi « dévoilement » ou « révélation ». Cette ambivalence, l’œuvre de László Krasznahorkai – couronné par le prix Nobel de littérature 2025 – la porte à son paroxysme. Dans La Mélancolie de la résistance, son deuxième roman publié en 1989, un malaise indéfinissable règne sur une petite ville de province hongroise. Chaos visible ou désintégration sournoise ? Dans le sillage de Franz Kafka et de Thomas Bernhardt, la menace, vécue par différents personnages, n’est jamais nommée, mais elle prend figure dans une baleine empaillée, exhibée par un cirque. Susan Sontag avait alors qualifié l’auteur de « maître de l’apocalypse ». Depuis, l’œuvre de Krasznahorkai n’a cessé de faire surgir des voix d’imprécateurs, de prophètes à la vie souvent insignifiante, annonçant quelque chose qui relève de la fin du sens plutôt que de la fin matérielle du monde. Cette noirceur, cet effacement de tout horizon, cette description asphyxiante de la « non-vie », atteignent sans doute leur point culminant avec Le baron Wenckheim est de retour, publié en français en 2023. “L’œuvre de Krasznahorkai est emplie d’imprécateurs, de prophètes à la vie souvent insignifiante, annonçant quelque chose qui relève de la fin du sens plutôt que de la fin matérielle du monde” Philippe Garnier   Mais à ce fil « apocalyptique » – au sens de la langue courante – se noue un autre fil, attentif au dévoilement, à la révélation. Ainsi, Seiobo est descendue sur terre, recueil de nouvelles paru en français en 2018, met en scène des guetteurs de sens, déçus mais obstinés. Un gardien du Louvre s’y sent inexplicablement lié à la Vénus de Milo. Il essuie les railleries de ses collègues et contemple toute sa vie cette œuvre issue d’un monde ancien, disloqué, effacé. Un restaurateur de sculptures japonais médite sur une statue du Bouddha endommagée et se demande comment lui rendre sa mystérieuse aura. Très longues mais scandées, se chargeant de souffle au lieu de s’épuiser en chemin, les phrases de Krasznahorkai portent à la perfection la recherche inlassable d’un sens non pas transcendant mais immanent au monde, qui ne se laisse entrevoir que pour mieux se dérober. C’est aussi de l’histoire – celle de la Hongrie, son pays natal où il est né en 1954, et au-delà, l’histoire de l’Europe – que se nourrit la pensée de l’écrivain. Dans un entretien avec Damien Marguet, publié par la revue Passés Futurs en 2020, l’écrivain compare la vérité des historiens à celle de l’art et de la religion. Il dit : “Ces trois approches intellectuelles parlent de ce combat, et non de la vérité. Vis-à-vis de ces trois formes d’expression, nous n’avons qu’une seule attitude à adopter : faire passer leurs messages du mode affirmatif au mode interrogatif. Pour chaque phrase de Bouddha, de Dante et d’Hérodote, nous devons remplacer le point final par un point d’interrogation” László Krasznahorkai, entretien avec Damien Marguet, à lire en intégralité sur le site de recherches en sciences sociales Politika.io (2020) Tel serait l’un des sens de cette œuvre à plusieurs visages : exorciser les cauchemars légués par l’histoire humaine, en déblayer les scories, pour faire place nette à une question – sans réponse, certes, mais rendue à sa pureté. octobre 2025
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Les deux nez du pouvoir www.philomag.com/articles/les...
Les deux nez du pouvoir
Les deux nez du pouvoir hschlegel jeu 09/10/2025 - 18:44 En savoir plus sur Les deux nez du pouvoir « Depuis dix jours, c’est l’hécatombe à la rédaction : nous sommes tous tombés malades, un à un. Les gorges se raclent, les morves dégoulinent, les éternuements tonitruent… et bien sûr, les nez se bouchent. Mais quel(s) nez ? [CTA1] ➤ Vous lisez actuellement la Lettre de la rédaction de Philosophie magazine. Pour la recevoir directement dans votre boîte mail, abonnez-vous ! Cette newsletter est quotidienne et gratuite. En étudiant la question, j’ai découvert la bipolarité des narines – une curiosité méconnue qui, me semble-t-il, pourrait nous aider à comprendre la congestion politique actuelle. “Nous ne possédons pas un, mais deux nez.” J’avoue avoir vécu une sorte d’épiphanie en lisant cette phrase dans un article du magazine The Atlantic, intitulé “Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le nez bouché”, alors que j’effectuais des recherches Google pour vérifier l’efficacité des pschitt d’eau de mer et autres placebos sur mes sinus encombrés. En effet, trop de gens ignorent que nos deux narines forment des organes indépendants, à l’instar des yeux ou des oreilles, arguait l’autrice de l’article. Nos deux “nez”, séparés par une cloison, ouvrent chacun sur un réseau de sinus, ces cavités nasales qui s’étendent des joues au front. Une indépendance qui vise sans doute à limiter les infections : nos narines ayant pour fonction de filtrer et d’humidifier l’air, elles ont intérêt à ne pas se contaminer l’une l’autre. Cette mise au point m’a permis de préciser ma petite phénoménologie du rhume. Contrairement à ce que l’on croit, nous n’avons pas “le nez bouché”. D’abord parce que nous avons deux nez, mais aussi parce que ce ne sont pas nos sécrétions qui bouchent cet organe imaginaire, mais le gonflement des muqueuses nasales. Celles-ci fonctionnent comme les tissus érectiles du pénis : elles gonflent et dégonflent régulièrement, en fonction de l’afflux de sang. Et – génie du corps humain – sachez que nos narines gonflent en alternance. Vous constaterez que lorsque vous êtes enrhumé, vous avez toujours une narine davantage bouchée que l’autre ; ce phénomène n’a rien à voir avec la quantité de mucus que vous croyez exhumer de votre appendice en vous mouchant frénétiquement, mais avec ce gonflement interne, accru par les allergies et infections, qui induit la sensation de nez bouché. C’est pourquoi il est inutile de gaspiller vos mouchoirs : expulser la morve ne résout en rien le problème. Ce n’est pas tout : ces jumeaux de “nez” travaillent toujours en alternance. Même en l’absence de rhume, nos narines communiquent pour se répartir le boulot et semblent fonctionner selon un cycle régulier. Tandis que l’une respire à pleins poumons, l’autre se gonfle, et ainsi de suite, toute la sainte journée. Pourquoi cette dualité ? Après tout, l’odorat n’a pas besoin de multiplier les points d’entrée de ses organes. Nous avons deux yeux pour faire la mise au point, deux oreilles pour entendre en stéréo… Certes, la nature adore la symétrie. Mais quel est l’intérêt d’avoir deux nez ? D’après les chercheurs, il semblerait que ce rythme favorise la régénération de chaque réseau, en stimulant son système immunitaire. À chaque fois que les tissus désenflent, les cavités libèrent des anticorps, ce qui leur permettrait d’assurer convenablement leur mission pendant que leurs confrères de l’autre côté se reposent. Étourdie par ces découvertes, le cerveau embué par le rhume, je me suis surprise à méditer sur ces mystères de la nature et à me demander quelle leçon nous pourrions bien tirer de ce système d’alternance d’érections nasales. S’il y a bien une chose qui frappe dans la situation politique actuelle, c’est l’échec cuisant de l’abolition du bipartisme dont avait rêvé le macronisme. À vouloir prétendre qu’on pouvait tout faire “en même temps”, en mobilisant simultanément les énergies de droite comme de gauche, n’a-t-on pas fini par épuiser les ressources et les capacités de régénération de nos forces politiques ? Il est facile de dénoncer le système des partis, ses oppositions frontales et son étanchéité maladive. Or peut-être avons-nous précisément besoin de cette bipolarité pour faire respirer notre corps politique. Certes, la France doit présenter un visage uni, trancher dans le vif, se donner un cap, notamment en matière de politique extérieure. Mais nous aurions tort de croire qu’il suffit d’un président pour avoir du nez, surtout lorsqu’une majorité de citoyens l’ont dans le pif. Lorsqu’on néglige la spécificité des deux camps, c’est l’ensemble du régime qui se congestionne. À quand le retour du bipartisme ? » octobre 2025
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